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Delphine Bourdais

Les IPP et l'acidité de l'estomac

Notre estomac fabrique de l'acide chlorhydrique.


Dit comme cela, cela peut vous faire peur... mais c'est tout à fait normal ! On fait tellement mauvaise presse à l'acidité de notre estomac !


Vous avez le brûlant et vous pensez donc produire trop d'acide, puisque vous avez des remontées acides... d'ailleurs votre médecin vous a prescrit des IPP, des anti-acides.


Si notre estomac, comme tout estomac de tout être vivant, fabrique de l'acide, c'est qu'il y a une raison. Alors pourquoi fait-on la guerre à cette acidité ?



1/ L'estomac, anatomie

Déjà au niveau anatomique, il est intéressant de savoir où se situe son estomac. Comme vous le voyez, il est un peu sous les côtes et plutôt sur votre gauche. A votre droite, c'est le foie qui prend presque toute la place.


En haut, en liaison avec l'oesophage on a un sphincter, le cardia, une sorte de clapet qui s'ouvre et se referme. Le volume moyen au maximum est de 1L, donc si vous mangez plus de 1L, vous risquez d'avoir un inconfort, une sensation de plénitude.


Et oui... parfois vos inconforts sont juste le reflet d'un estomac trop plein !!

Regardez 1L d'eau... mettez vous ce volume dans votre estomac quand vous mangez ?


Des contractions musculaires mélangent la nourriture. Peu à peu, le bol alimentaire est poussé vers le pylore et la vidange gastrique se fait plus ou moins vite. Certains éléments provenant de l’estomac et du duodénum influencent le taux de vidange gastrique. Par exemple, avoir un niveau de stress trop élevé peut "spasmer" votre estomac et vous donner des douleurs.


On peut donc se rendre compte que

  • si la vidange gastrique ne se fait pas vite, l'estomac reste rempli trop longtemps...

  • si le sphyncter du haut ne fonctionne pas bien, il peut laisser le bol alimentaire de l'estomac remonter vers l'oesophage.

  • si on mange de trop, l'estomac souffre




2/ l'acide gastrique


Un estomac sain a un ph d'environ 2. Soit plus acide qu'un jus de citron (ph=3) ou qu'un célèbre cola rouge (ph = 3). Pour refaire un mini cours de chimie, plus le chiffre entre 0 et 14 est petit et plus c'est acide. Donc quand le pH augmente... l'acidité baisse. Donc l'acidité du café... on repassera plus tard !

(le café peut donner du reflux par un autre mécanisme, je ne vais pas tout vous dire aujord'hui non plus)




L’acidité gastrique à de multiples fonctions, parmi lesquelles :

  • La stérilisation du bol alimentaire (référence publi : PMC4519257)

  • L’activation de la pepsine une enzyme qui digère les protéines (enzyme = un outil chimique qu'on produit... ici c'est comme un ciseau à protéines)

  • L’activation de la lipase gastrique : enzyme coupe les graisses et favorise la vidange de l’estomac.

  • L’activation de sécrétion de la bile, qui permet de digérer et d’absorber les graisses et molécules liposolubles (certaines vitamines notamment)

  • L’activation de la sécrétion des sucs pancréatiques, qui digèrent l’ensemble des nutriments.




Qu'est ce qui se passe quand on en a de trop...

En fait c'est tellement rare que je ne vais pas en parler ! Oui, parce que aller plus acide qu'un pH de 2... c'est compliqué ! Le soucis étant

  • un mucus protecteur absent (notre estomac est normalement tapissé d'un mucus protecteur... pour ne pas s'auto-ronger)

  • un manque d'acidité

  • une combinaison des deux



Qu'est ce qui se passe quand on en pas assez ?


1/ non stérilisation du bol alimentaire


Donc risque plus important de choper les bactéries, virus et champignon indésirables et pathogènes... et oui, une bonne immunité se passe aussi via votre estomac ! Le pH augmente avec l'âge chez l'humain (donc devient moins acide)... ce qui est une des causes de la fragilité digestive de nos anciens.

Installation de bactéries ennemies qui engendrent une dysbiose. Je pense notamment à H. pylori qui adore s'installer dans des estomacs peu acides ... supérieur à 3.5 !


2/ non activation des enzymes


mauvaise digestion des protéines => dysbiose dite de putréfaction : vous avez mal au ventre, ça ballonne et quand vous pétez cela ne sent pas bon


digestion lente au niveau de l'estomac, pesanteur gastrique, vidange gastrique retardée... et risque de reflux car l'estomac est distendu !


3/ insuffisance biliaire et pancréatique :


mauvaise digestion des nutriments, dysbiose, ballonnements, maux de ventre, digestion lente, selle jaunes, du mal avec les repas gras...



Comment savoir si je suis en hypochlorhydrie ?


La clinique (donc vos symptômes) est assez informative : ballonnements ressentis au niveau de l’estomac, pesanteur gastrique, éructations, mauvaise haleine doivent vous mettre la puce à l'oreille !


Il existe un test au bicarbonate de soude, qui n'est pas parfait, pas sur à 100% mais qui peut aider...


Test au bicarbonate de soude :

Comment procéder ?

  • À jeun le matin, mettre 1 c.à.c de bicarbonate de soude dans un demi-verre d’eau.

  • Boire et lancer aussitôt le chronomètre.

  • Un rôt doit arriver. Plus il arrive tôt, plus cela signe une bonne acidité gastrique.

  • Renouveler au moins 5 fois, toujours à jeun, et faire une moyenne des scores.


Interprétation :

  • Rôt immédiat → hyperchlorhydrie (excès d’acidité gastrique)

  • Rôt entre 1 à 2 min → Normochlorhydrie (acidité gastrique optimale)

  • Rôt entre 2 et 5 minutes → Hypochlorhydrie (insuffisance d’acidité gastrique)

  • Rôt > 5 min ou inexistant → hypochlorhydrie sévère



Quelles sont les causes d’hypochlorhydrie ?

Face à toute hypochlorhydrie, vous devez vous interroger sur la cause et voir avec un praticien de santé, nutrithérapeute ou naturopathe. Sachez qu'il existe des solutions pour relancer la machine ! Oui... cela va de l'âge à au stress en passant par des traitement médicamenteux... C'est vaste !!! (spoiler : le stress est quand même sur le podium).




Vous comprenez donc que les IPP, qui baissent l'acidité gastrique... sont trop souvent donnés dès qu'on se plaint de maux de ventre et ne résolvent pas le problème de base. Je vous explique pourquoi, sans vous dire d'arrêter votre traitement d'un coup (cela ferait pire que mieux).




3/ Les IPP : ces médicaments antiacides, mais pas que…


Les IPP, inhibiteurs de la pompe à proton, sont les médicaments « anti-acide», prescrits dans le but de réduire la production d’acide gastrique.


Pourquoi vouloir la réduire alors qu’elle est essentielle à notre pleine santé ?

Dans la pratique, tout prétexte est bon pour mettre en cause l’excès d’acidité gastrique sans avoir investigué plus loin. Très souvent, notre médecine actuelle cherche à mettre un pansement rapide sur vos maux et non trouver leur cause profonde car cela prend du temps... et vous voulez être soulagé le plus vite possible de vos maux de ventre (je vous comprends aussi... même si je me répète... ce n'est pas la solution).


Je ne suis pas contre cette classe de médicament, elle est essentielle lorsqu'on a un ulcère par exemple, pour baisser l'acidité le temps que cet ulcère cicatrise ! Et ensuite il faut absolument faire un sevrage progressif. Mais qui en parle de ce sevrage pourtant INDISPENSABLE ???



Quelles sont les conséquences de la prise d’IPP ?

Parmi les conséquences de ces médicaments, citons :


1/ l’altération de la digestion dans sa globalité (ventre lourd, ballonnements...)


2/ dysbiose de putréfaction (quand on a le ventre gonflé et qu'on pète mauvais)


3/ SIBO (les mauvaises bactéries s'invitent là où elles ne devraient pas)


4/ déficit en zinc, en fer, en cuivre, en manganèse, en vitamine B12, mais aussi en magnésium.

Comme nous pouvons le lire dans le Vidal®, les carences profondes en magnésium induites par les IPP, peuvent, dès 3 mois de traitement entraîner des troubles plus ou moins graves comme de la fatigue, de la tétanie, des bouffées délirantes, des convulsions, des sensations vertigineuses, de l’arythmie ventriculaire.


Avez-vous reçu ces informations lorsque l’on vous a prescrit ou renouvelé votre traitement ? Vous a-t-on conseillé de prendre du magnésium pour compenser cet effet anti-nutritionnel ?


5/ Ces médicaments augmentent de 20 à 50% le risque de développer une insuffisance rénale chronique. (PMC4772730)


6/ Les IPP pris au long court augmentent significativement le risque de démence ! (PMC9434890)



LE SEVRAGE PROGRESSIF DES IPP EST OBLIGATOIRE


Le sevrage des IPP est souvent un échec car dès qu'on oublie un comprimé... on souffre... " c'est donc bien la preuve que j’en ai besoin !"


Pourquoi


En fait pendant que vous prenez votre médicament : on ne produit plus d'acide. Les signaux de l'estomac voient que quelque chose cloche et vous fait sécréter plus de gastrine (sencée aider à la sécretion d'acide... sauf que c'est bloqué). Donc quand vous arrêtez le médicament, les niveaux de gastrine sont tels que la sécrétion d'acide se refait puissance 1000 ! C'est donc normal d'avoir mal...


On doit donc se sevrer doucement pour ne pas affoler notre cerveau-estomac... On peut alors s'aider de plantes comme l'aloe vera qui vont venir tapisser la muqueuse et soulager l'estomac. On peut aussi éviter toute situation qui viendrait stimuler la production de gastrine... et boire du café en est une :-)

Désolée les addicts au café...




4/ Une autre piste quand on a l'estomac lourd et des reflux... l'estomac paresseux...


La gastroparésie, terme technique pour dire estomac paresseux se produit quand la paire de nerfs qui relie le tronc cérébral au tractus gastro-intestinal (nerf vague) est endommagée ou ne fonctionne pas bien. Comme le nerf vague est incapable d’envoyer les messages nécessaires veillant à ce que les muscles de l’estomac continuent de travailler normalement, les aliments restent dans l’estomac trop longtemps.


Les symptômes les plus courants de la gastroparésie sont la sensation d’avoir l’estomac plein après seulement quelques bouchées, des nausées, des vomissements, un manque d’appétit, des douleurs abdominales, la régurgitation ou du reflux qu peut être objectivé via une gastroscopie (examen médical).


Ce sera à votre médecin de poser le diagnostic. Il faudra peut être persévérer... car je vous rappelle que en cas de maux d'estomac le premier réflexe est souvent les IPP...



La gastroparésie est généralement associée à une forme quelconque de dommage au nerf vague, qui peut se produire dans toute une gamme de situations

  • diverses carences minérales

  • troubles de l’alimentation

  • prise de médicaments qui influent sur la vidange gastrique [p. ex., opiacés, certains antidépresseurs, agonistes des récepteurs du peptide-1 de type glucagon (GLP-1) (p.  ex., semaglutide)],

  • interventions chirurgicales au niveau du tractus gastro-intestinal supérieur telles qu’une gastrectomie, une chirurgie bariatrique

  • La cause la plus courante de la gastroparésie est le diabète de type 1 ou de type 2.



Dans environ le tiers des cas, la cause de la gastroparésie est inconnue (idiopathique).

Enfin, sachez juste qu'un des plus gros perturbateurs du nerf vague est... le stress.


Je dis ça, je dis rien hein...

:-)




5/ Et la hernie hiatale ?


Si vous avez des IPP à cause d'une hernie hiatale... sachez que de bonnes habitudes d'hygiène de vie peuvent diminuer les symptomes de l'hernie et donc éviter de prendre des IPP, si tel est votre souhait et si le grade de celle-ci le permet.


Rappelez vous que vous êtes toujours MAITRE A BORD et que aucun médecin de peut vous obliger à prendre un médicament ou suivre un traitement. Vous avez toujours la possibilité de chercher une autre solution. Bon après, ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit... Bien sûr que prendre un médicament pour une maladie grave est à mon sens plus judicieux et je ne suis pas contre les médicaments... mais pour un trouble fonctionnel... cela vaut peut être le coup de tenter autre chose ? Pensez-y...



Les règles d'hygiène et de diététique sont les mêmes que celles du reflux gastro-œsophagien et même si vous décidez de prendre des IPP à la dose la plus faible possible :

  • Maigrir en cas de surpoids, surtout abdominal et surtout trouver les causes de cette prise de poids abdominale (résistance insuline, changement hormonal, alimentation, manque d'activité physique....)

  • Fractionner les prises alimentaires et faire plutôt 5 ou 6 petits repas légers que 2 repas abondants ;

  • Éviter les boissons gazeuses, les épices, le café, les graisses de mauvaise qualité, l'alcool...

  • Éviter les aliments à digestion lente comme les plats gras ou copieux

  • Éviter le tabac

  • Prendre le repas du soir longtemps avant de se coucher et éviter la sieste après le déjeuner (ou alors bien assis)

  • Éviter de porter des pantalons et ceintures trop serrés, la surtension abdominale provoque souvent les hernies...

  • Surélever la tête du lit ;

  • Éviter les postures penchées en avant




Voilà un petit tour d'horizon, j'espère que vous avez aprécié la lecture !


Prenez soin de vous,

Prenez soin de votre santé pour que votre médecin n'ai a gérer que vos maladies graves.



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1 Comment


Super intéressant Delphine et si bien expliqué. Merci!

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